Football

Samuel Eto’o Fils: «Platini avait dit un jour qu’Owen est plus fort qu’Eto’o…»

Le lendemain de Noël dernier, et à l’occasion de la présentation officielle à Douala de sa bande dessinée réalisée par Joëlle Esso et les éditions Dagan, le capitaine des Lions indomptables et du club russe Anzhi Makachkhala s’est laissé aller dans ses réponses aux journalistes accourus dans la salle de l’hôtel Le Meridien. 
On a bien sûr essentiellement parlé de sa BD, magnifique ouvrage réalisé dans les mêmes normes techniques que les classiques européens dans le domaine. Il s’agit du tome I (sur neuf programmés), «Eto’o Fils, naissance d’un champion», qui relate l’enfance à New-Bell de celui qui est aujourd’hui le plus gros salaire du football professionnel dans le monde, sous le coup de crayon raffiné de l’artiste plurielle camerounaise basée en France, Joëlle Esso. 
Sur le choix de travailler avec cette artiste et la maison d’édition Dagan, sur l’histoire de sa passion pour le football et sa réussite exceptionnelle, sur son engagement pour la jeunesse (II a présenté à l’assistance deux ex-pensionnaires de son centre de formation, la Fundesport: un gardien de buts du centre de formation de FC Barcelone et l’international junior Ken Ella professionnel en Ukraine) et sur ses chantiers dans l’humanitaire, le triple vainqueur de la Champions League européenne et quadruple lauréat du Ballon d’or africain se livre.

Pourquoi avoir choisi de raconter votre parcours à travers une bande dessinée? 
Hier, quand j’étais enfant, je courais derrière Roger Milla. Aujourd’hui, les enfants courent derrière moi. Je me suis posé la question: comment maintenir cette chaîne? Comment devrais-je parler aux jeunes, pour leur transmettre ce message: «quel que soit votre rêve, vous pouvez l’accomplir car tout est en vous il faut croire en son étoile et travailler dur avant de connaître la réussite»? Alors, j’ai choisi de m’adresser aux jeunes via le support qu’ils adorent le plus: le dessin. 

Pourquoi Joëlle Esso et pourquoi les éditions Dagan? 
Quand j’ai à choisir, mon choix se porte d’abord sur les Africains. Evidemment, je choisis ceux qui font bien dans leur domaine, car il ne sera jamais question de complaisance. Je donne les opportunités à ceux qui savent les saisir. C’est ce qui s’est passé avec Joëlle et les éditions Dagan. Je me suis dit: voici des frères africains qui font très bien dans le domaine de la bande dessinée, pourquoi aller chercher ailleurs ce qui est à côté? Il y a une exigence de solidarité, parce que moi aussi on m’a tenu la main en Afrique. C’est Gilbert Kadji qui a cru en moi et m’a aidé; il m’a acheté le billet d’avion pour aller faire des tests en France. Mais il y a aussi une exigence de qualité: il ne suffit pas d’être Africain; si vous ne faites pas bien votre boulot, je vous change. Je n’ai pas de pression à ce sujet! 


Est-ce aussi une façon de décomplexer les Africains? 
Je ne cesserai de le dire: nous devons croire en nos forces. Protégeons-nous, les autres ne vont pas le faire à notre place. Regardez ce qui se passe à l’équipe nationale du Cameroun. On a eu des résultats parce qu’on avait un groupe soudé. On jouait malgré les difficultés qui n’ont jamais disparu. J’ai souvent entendu dire que les joueurs jouent au «jambô», comme si c’était un crime, alors que ce sont des choses pareilles qui permettent à des joueurs de rester en équipe. Certains jouent aux cartes, mais d’autres lisent jusqu’à 2h, question d’évacuer la pression du match. 
Moi, ma conviction inébranlable, c’est que chacun d’entre nous, blanc ou noir, a un don qu’il doit exploiter au maximum. Je refuse ce complexe qui veut que seuls les Blancs peuvent faire certaines choses. Par exemple, je n’ai jamais choisi un entraîneur, mais quand on échoue on dit que c’est à Eto’o la faute. Vous laissez quelqu’un qui n’est même pas entraineur amateur devenir sélectionneur du Cameroun alors qu’il y a des compatriotes qui ont fait leurs preuves en gagnant au plus haut niveau; et après, c’est Eto’o que vous insultez! Moi, si je suis arrivé là où je suis, c’est parce que je me suis dit qu’avec le talent que Dieu m’a donné je pouvais rivaliser avec les meilleurs footballeurs du monde, sans tricher et sans complexe. 

Vous pensez vraiment qu’on peut jouer en Afrique dans de bonnes conditions comme en Europe? 
Pourquoi pas? Si les choses sont bien gérées, nous n’aurions rien à envier aux autres. Chez nous aussi, on peut bien jouer dans de bons stades, selon une programmation rigoureuse, si chacun à son niveau fait bien son travail. Il y a des dirigeants qui doivent nous aider à avoir ces conditions là. Moi, j’essaie de mettre mes qualités en avant et de gérer mes défauts. 

Aux jeunes qui vous admirent, comment leur expliquez-vous votre réussite professionnelle? 
Je leur dis que c’est le travail, ce n’est pas la magie. Pour réussir, il faut faire des sacrifices. Moi j’aime danser. C’est connu. Mais je n’oublie jamais le travail en sortant de la boite de nuit. Quand je suis arrivé à l’équipe nationale, j ai porté les valises alors que je jouais au grand Real de Madrid. Rien ne m’a été donné facilement. En 2000, le Coach Pierre Lechantre m’a dit que si je ne suis pas titulaire en club je ne le serai pas en sélection. Et je suis arrivé comme quatrième attaquant à cette Can, derrière Mboma, job et N’diefi. Et dès qu’on m’a donné 10 minutes contre le Ghana, c’était parti. Je ne suis plus jamais sorti de l’équipe-type. Je n’ai donc pas forcé les choses; c’est le travail qui m’a amené là où je suis. 
J’ai entendu Michel Platini dire un jour que Michaël Owen était plus fort que Diouf et Eto’o. Je lui ai répondu: «Ce n’est plus qu’une question de temps». Et le temps m’a donné raison je refuse de croire qu’un pays africain ne peut pas gagner la Coupe du monde. Ce qu’il y a lieu de faire, c’est d’aider nos enfants à grandir dans de bonnes conditions. C’est ce que j’essaie de faire à mon niveau avec mes académies de football, au Cameroun et depuis l’an dernier au Gabon, et bientôt dans d’autres pays. Dans l’espoir qu’un jour, ces jeunes bien encadrés et bien formés, seront armés pour offrir la Coupe du monde à l’Afrique. Si c’est le Cameroun qui la gagne, tant mieux, mais si c’est un autre pays africain, je serai toujours très heureux. C’est mon plus grand rêve! 

Où en êtes-vous avec votre fondation qui fait dans l’humanitaire? 
La Fondation Samuel Eto’o mène normalement ses activités. Elle construit en ce moment deux hôpitaux à coté de Laquintinie à Douala et dans mon village à Song Mbengue. Par ailleurs, après Libreville au Gabon, un autre centre de formation de jeunes footballeurs est en création à Nairobi au Kenya. Je continue de penser que si nous avons 10 ou 15 nations fortes en Afrique, nous aurons la chance de gagner la Coupe du monde un jour.

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