Après 36 combats professionnels, Hassan N’Dam, quart de finaliste aux JO d’Athènes en 2004, se risque à une nouvelle aventure olympique à 32 ans.
En 2004, âgé de 20 ans, Hassan N’Dam disputait les Jeux Olympiques d’Athènes avec le Cameroun. Un beau souvenir, même s’il avait été battu – en quarts de finale du tournoi des poids moyens – par le futur champion olympique russe Gaydarbek Gaydarbekov. Mais en rupture avec sa sélection pour une histoire de prime non versée, il décide ensuite d’émigrer en France. Le début d’une drôle d’épopée. Un temps, il est hébergé par des compatriotes. Très vite, il se retrouve sans domicile fixe avant d’échouer dans un squat à Pantin, en Seine-Saint-Denis. «Je me débrouillais pour trouver des meubles dans la rue. Un matelas, un canapé, un tapis… Mais j’avais froid.»
Pas assez pour décourager celui qui a vécu bien plus sordide, à tout juste 15 ans, au Cameroun : son père Ismaïl, alors médecin, est arrêté puis incarcéré à la prison de Douala. Il y purgera une peine de trois ans de prison après avoir été accusé – à tort – de meurtre par des voisins jaloux. La famille de 18 enfants est déclassée et connaît la misère, en plus de l’infamie.
500 euros le combat
Dans sa nouvelle vie à Pantin, N’Dam survit comme il peut, en mangeant des pommes. Et rêve de repas chauds. Pour se doucher, il va à la salle de boxe de Pantin. Il boxe alors pour 500 euros le combat. Une béquille pour sortir de la précarité. La révélation intervient finalement en 2008 lorsqu’il remporte avec brio Le Grand Tournoi diffusé sur Canal+. En 2010, N’Dam est naturalisé français. Et décroche le titre WBA des poids moyens.
Styliste élégant et mobile, il n’a cependant pas connu la grande carrière qu’il méritait. Pour des raisons en partie extra-sportives. Aujourd’hui, après 36 combats professionnels, N’Dam est donc de retour dans l’arène olympique, douze ans après Athènes. «Je reviens comme un jeune avec beaucoup plus d’expérience. J’ai pris des coups, appris la vie. En 2004, j’étais un gamin, me revoilà aux JO en tant qu’adulte.»
Ce rêve a été rendu possible par la réforme que la Fédération internationale de boxe amateur (AIBA) a voté le 1er juin dernier afin de rendre éligibles au tournoi olympique les boxeurs professionnels. Une décision qui a d’abord provoqué un tollé dans le microcosme, certains «spécialistes» assurant que les amateurs allaient se faire massacrer par les pros. «C’est l’inverse. C’est très dur pour nous les pros. C’est le même sport mais à une autre cadence. Comme un coureur de 10 000 mètres qui s’aligne sur 100 mètres. En pro, on s’installe pour douze rounds. En amateur, il faut partir d’entrer avec intensité, sans se griller non plus. Ce n’est pas simple à gérer.» De grandes stars du monde pro telles que l’Ukrainien Vladimir Klitschko, le Philippin Manny Pacquiao ou l’Anglais Amir Khan s’étaient déclarées intéressées avant de se raviser, comprenant qu’elles avaient beaucoup plus à perdre qu’à gagner.
«En territoire amateur»
N’Dam, lui, ne s’est pas démonté. Il a voyagé jusqu’à Vargas, au Venezuela, début juillet, pour gagner sa qualification. Bi-national depuis 2010, il a aussi dû obtenir une dérogation du gouvernement camerounais car la Constitution de son pays ne prévoit pas ce statut.
N’Dam assure ne pas venir pour l’argent. On peut le croire. Les subsides de la Fédération camerounaise ne pourront lui assurer guère plus qu’une tape sur l’épaule en cas de performance. «Ma motivation est double : 2004 m’a laissé un sentiment d’inachevé, je suis resté à la porte de la médaille. Et puis cette décision d’accueillir les pros est inédite, j’aimerais rentrer dans l’histoire.»
Chez les gros…
Il ne s’est pourtant pas ménagé avant les Jeux, vivant sept derniers jours d’une intensité rare. Samedi dernier il combattait encore en professionnel, au Cannet, sur la Côte d’Azur. Après avoir battu le Polonais Tomasz Gargula (K.-O. au 7e round), il a traversé l’Atlantique pour se retrouver dans la banlieue de Rio.
Ce samedi, vers 16 heures (heure Française), dans l’hostilité carioca, Hassan N’Dam affrontera le Brésilien Michel Borges, champion panaméricain en 2013. Pas simple. D’autant que le Camerounais, d’habitude poids moyen (-75 kg), s’alignera en moins de 81 kilos. «La place de poids moyen était déjà occupée en sélection du Cameroun… J’aurais l’avantage de la vitesse pour surprendre mes adversaires et la contrainte en moins du régime. Mais je vais devoir être technique car je ne suis pas dans mon domaine mais chez eux, en territoire amateur.»
Karim Ben-Ismaïl, à Rio de Janeiro / lequipe.fr
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