Football

Denis Lavagne : « Eto’o veut être à la fois buteur, capitaine, sélectionneur et président, voire ministre ! »

Jeune Afrique : Vous avez plusieurs fois déclaré que vous étiez au milieu d’un conflit entre la Fécafoot, présidée par Mohammed Iya, et d’autres personnes…

Denis Lavagne : Oui. Pour des raisons multiples. Régionales, car Iya est du Nord. De pouvoir aussi. Il y a des gens qui aimeraient prendre la présidence de la Fécafoot, que Iya a rendue viable financièrement. Il est honnête, n’a pas besoin de la fédération pour vivre et exister. Il est le patron de la Sodécoton.

À qui pensez-vous ?

Des anciens joueurs comme Roger Milla – qui critique systématiquement tous les sélectionneurs qui passent – ou Joseph-Antoine Bell, sont intéressés par la présidence de la Fécafoot. Jean-Paul Akono, le nouveau sélectionneur, est un pompier-pyromane. Cela fait des années que par ses critiques incessantes, il créé une ambiance délétère autour de l’équipe. Mais lors de son passage en 2001 à la tête de la grande équipe des Lions  (championne d’Afrique 2000 et 2002), il n’a pas su gagner un seul match et a du démissionner au bout de trois rencontres… Pierre Lechantre n’était plus là pour l’aider comme aux JO de 2000 où il a fait tout le boulot. Personnellement, j’ai gagné six de mes huit matchs.


Que reprochez-vous à Akono ?
Quand il était Directeur technique national adjoint, je l’avais rencontré avant le match en Guinée-Bissau, en qualifications pour la CAN 2013, en février (1-0). Il m’avait dit que j’avais les compétences pour participer à la reconstruction du foot camerounais. Juste après, je lis dans la presse qu’il a fait un rapport au ministre des Sports, Adoum Garoua, affirmant que j’étais une honte pour le foot du pays. Au moins, Milla ne va pas le critiquer : ils marchent main dans la main. Ces personnes ne souhaitaient pas que le Cameroun gagne.
Akono ou Milla… Ces personnes ne souhaitaient pas que le Cameroun gagne.
En juin, ils sont allés jusqu’à rencontrer l’entraîneur de la RDC [Claude Le Roy, NDLR] pour le renseigner sur les Lions et le supplier de tout faire pour gagner le match. Quand on marque le but de la victoire face à la Guinée-Bissau lors du match retour en juin (1-0), des gens ont quitté le stade de dépit. Au Cap-Vert (à l’aller, 0-2), j’ai vu des rictus de joie sur certains visages lors de notre défaite, en particulier le chef de presse [Linus Pascal Founda, NDLR] et l’entraîneur adjoint, Martin Ntoungou Mpilé. Quand on gagnait, on minimisait nos performances. C’est troublant, non ?
Quelque part, vous sentiez-vous visé ?

Indirectement. Iya avait proposé ma nomination en octobre 2011 à Michel Zoah, l’ancien ministre des Sports, qui ne s’y est pas opposé. Je devais signer un contrat de deux ans, le 27 octobre 2011, et ça a traîné. Y-a-t-il eu des pressions ? A partir de là, tout est allé de travers. C’était un coup monté contre Iya. La suspension d’Eto’o après le boycott du match amical en Algérie, le 15 novembre, n’a fait que compliquer les choses.

Au Cameroun, il y a les pro-Eto’o et ceux qui estiment qu’il n’est pas étranger au climat particulier qui règne autour de la sélection…

Akono et Milla avaient dit lors de la Coupe du Monde 2010 que Eto’o était un problème pour l’équipe. Avec le joueur, je n’ai pas eu de soucis. Samuel est un très grand footballeur, mais il veut être à la fois joueur, buteur, capitaine, sélectionneur et président, voir ministre. C’est le pouvoir qui l’intéresse. Il n’est pas revenu pour le match aller face au Cap-Vert, car il avait dénoncé le manque de professionnalisme de la fédération, alors que c est le ministère des Sports qui organise tous les déplacements et les matchs. La Fédération n’a aucun pouvoir sur la sélection. Et là, il a accepté…

Vous savez pourquoi ?

Il a eu le brassard de capitaine. Avec moi, cela n’aurait pas été le cas. Donner le brassard à quelqu’un qui a fait grève et boycotté un match, parce que le ministre des Sports de l’époque ne voulait plus de lui comme capitaine ? Impossible. Quant à ses déclarations sur l’amateurisme autour de la sélection, les joueurs voyagent dans de très bonnes conditions, ils logent dans des hôtels de luxe, et les primes sont d’un montant très correct et payées des la fin des matches. Ce prétexte  est un moyen de se dédouaner des mauvais résultats. Qui en est le plus responsable? Le président ? Les entraîneurs qui changent tous les 10 mois en moyenne ? Les joueurs et tous les opportunistes qui créent un climat délétère autour de la sélection, espérant à des fins personnelles et financières prendre le pouvoir de la Fédération ? Aujourd’hui des gens se prosternent devant Eto’o, alors qu’il y a à peine un mois, ils le critiquaient lors des réunions.

Aujourd’hui des gens se prosternent devant Eto’o, alors qu’il y a à peine un mois, ils le critiquaient lors des réunions.
Eto’o n’est pas le seul à avoir accepté de revenir pour le match retour face au Cap-Vert (2-1)…
Certains avaient laissé tomber l’équipe, et là, ils sont revenus comme des sauveurs. Il y a aussi l’exemple de Jean-Armel Kana-Biyik (Rennes). Je l’avais plusieurs fois convoqué, et il n’était jamais venu. Peut-être lui avait-on conseillé d’attendre… Son père et son oncle, François Oman-Biyik, qui était l’adjoint de Clemente, sont de proches amis d’Akono et Milla…

Avez-vous touché l’intégralité de vos salaires ?

Oui, mais seulement le 27 septembre. Je devais signer un contrat de deux ans. Adoum Garoua, qui est un ministre qui ne prend aucune décision, a renié sa parole et m’a fait signer un contrat d’un an. Il avait sans doute des consignes venues de plus haut. J’ai été obligé d’accepter sous la pression car on m’a menacé de ne pas me payer. Le 4 juin dernier, j’avais appris que la Fécafoot avait reçu une lettre lui demandant d’établir une short-list pour me trouver un successeur. Plusieurs fois, Garoua a demandé ma tête à Iya.

Qu’allez-vous faire désormais ?

À ce jour, je n’ai pas eu de contacts pour reprendre une équipe, je ne me presse pas. Ce qui s’est passé pendant un an n’a pas été facile à vivre. Je ne veux pas retomber dans une autre galère, et je vais réfléchir avant de m’engager dans un autre club. Au Cameroun, certains disent qu’ils sont patriotes, qu’ils aiment leur sélection. En fait, ils pensent surtout à leur propre intérêt, en croyant que le Cameroun est supérieur à toutes les équipes, au nom de son passé. Or, il n’a plus rien gagné depuis dix ans, à part la LG Cup en novembre 2011 pour mes deux premiers matchs à la tête de la sélection…

Commentaires Facebook

0 commentaires

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page