
Issu d’une lignée royale prestigieuse, Ahmed Mbombo Njoya a choisi le terrain plutôt que le trône. Prince Bamoun, il a tracé son propre chemin dans le monde du sport, entre passion du basketball, engagement éducatif et transmission des valeurs. De Foumban à Montpellier, des drames personnels aux podiums africains, il incarne une trajectoire singulière : celle d’un homme enraciné dans la tradition, mais résolument tourné vers l’impact et l’avenir.
Le 26 septembre 2021, Ahmed Mbombo Njoya croyait vivre l’un des plus grands soirs de sa vie. Il venait de guider les Lionnes du Cameroun à une médaille de bronze historique en Championnat d’Afrique, au Palais des Sports de Yaoundé. Un exploit symbolique : les Camerounaises n’avaient plus battu les Sénégalaises depuis 1960. Éreinté, il s’est couché tôt. La nuit lui a offert un songe bouleversant : son père, le sultan Ibrahim Mbombo Njoya, venait le féliciter pour sa médaille, fier de lui. À l’aube, un appel le tire du sommeil. C’est sa sœur. Leur père est mort, emporté par le Covid-19 à l’hôpital américain de Paris. Il avait 83 ans.
Ce double choc, entre gloire sportive et deuil intime, résume toute la complexité du parcours d’Ahmed Mbombo Njoya : enraciné dans une lignée royale, mais engagé sur un chemin bien à lui, celui du sport et de la transmission.
Fils du 19e sultan des Bamouns – l’un des peuples les plus anciens du Cameroun –, Ahmed porte une double histoire. Celle d’un père haut dignitaire de l’État, ancien ministre et président de la Fédération camerounaise de football dans les années 1960. Mais aussi celle d’une mère d’origine espagnole, née en Guinée équatoriale et élevée entre exil et rupture. Le jeune Ahmed naît à Yaoundé, mais c’est au Caire qu’il grandit, apprenant l’arabe littéraire, dans les couloirs des ambassades où son père exerce.
À sept ans, il revient au Cameroun, au lycée Fustel-de-Coulanges, avant de s’envoler pour la France en 1991. D’abord dans les Ardennes, à Sedan, où il découvre le basket, puis à Nancy, Bruxelles, Montpellier… Chaque étape le rapproche un peu plus de sa passion. Il joue, voyage, étudie, chute (rupture des ligaments), et finit par rebondir dans l’encadrement.
L’homme construit sa vie au rythme des rencontres et des rebonds de ballon : un BTS tourisme à Bruxelles, un autre en gestion hôtelière à Montpellier, un amour né sur les parquets, Jelena, devenue son épouse. Ensemble, ils ont deux enfants, Marko et Jana – cette dernière joue aujourd’hui pour la Serbie. Le basketball devient pour lui plus qu’un sport : un levier d’éducation, un outil de développement, un engagement de tous les jours.
À Frontignan, Casablanca, Corrèze ou Limoges, il entraîne, forme, encadre. À Mauguio, il crée un centre de loisirs sportif. Puis un jour, Lattes-Montpellier (BLMA) l’appelle. Il gravit les échelons, des espoirs à l’équipe première. Parallèlement, il frappe à la porte de la Fédération camerounaise. Elle s’ouvre : d’abord en tant qu’adjoint, puis comme sélectionneur national.
Prince Bamoun, il porte un titre qui le rattache à une tradition séculaire. Mais il n’est pas héritier du trône : selon les règles de succession, seuls les enfants nés pendant le règne du Sultan peuvent y prétendre. Lui est né bien avant l’intronisation de son père en 1992. Cela ne l’empêche pas de cultiver avec fierté son identité. Il a transmis à ses enfants les récits et les racines de Foumban, même si le contraste entre leur quotidien européen et l’univers ancestral des Bamouns les a un peu déstabilisés.
Aujourd’hui, Ahmed Mbombo Njoya incarne une Afrique en mouvement : enracinée et ouverte, héritière et innovante. À travers sa trajectoire – de la royauté à la République, du deuil à la victoire, des bancs d’école aux bancs de touche – il raconte une histoire singulière, faite de fidélités, de migrations, de résilience.
Coach, formateur, père, époux, prince, il est un bâtisseur de ponts entre les mondes, entre les générations, entre les cultures.
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