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Tiger Woods face au défi de sa vie

Sevré de titre majeur depuis juin 2008 et de titre tout court depuis quasiment cinq années, Tiger Woods avait disparu des radars depuis trois ans. Le dos meurtri, on le pensait bon pour la casse. Débarrassé de ses douleurs, l’Américain a retrouvé confiance et sensations en 2018. Au point d’aborder le Masters à Augusta avec la conviction de pouvoir jouer un rôle important.
Mardi, lors du traditionnel diner des champions, organisé par le tenant du titre en présence de tous les anciens vainqueurs arborant chacun leur veste verte, Tiger Woods affichait un franc sourire. Il était heureux d’être là, comme toujours. Mais pour la première fois depuis trois ans, il profitait, enfin, pleinement de ce moment privilégié. Ces deux dernières années, le repas des rois d’Augusta avait eu un goût amer, car s’il était bien là pour manger, il n’avait pas joué à cause de son dos en compote.

« En 2016, a-t-il raconté mardi lors de sa conférence de presse d’avant-tournoi, c’était pénible, notamment parce que Arnold (Palmer, qui allait décéder six mois plus tard), n’allait pas bien du tout. Jack (Nicklaus) et moi étions obligés de l’aider à s’installer à table, pour la photo de groupe, etc. C’était dur de le voir comme ça. Et l’an dernier, c’est moi qui avait du mal à bouger. Au moindre effort, je souffrais. Mon dos était en feu, la douleur se répandait jusque dans la jambe. La douleur me brûlait. »

En ce printemps 2017, Tiger Woods semble alors au fond d’un trou dans lequel il végète depuis un moment déjà. Personne n’aurait pu imaginer que, douze mois plus tard, l’hypothèse d’une victoire du Tigre à Augusta puisse être sérieusement évoquée. « Pendant les dix années où j’ai travaillé avec lui, il y a quelque chose que j’ai appris, c’est qu’il ne faut jamais dire jamais avec Tigre », a prévenu Butch Harmon, son ancien entraîneur. Parce qu’il est unique, l’irréel comeback de Woods apparait crédible à chacun. Pour lui, c’est déjà une première victoire.
1er décembre 2015 : « Est-ce que je verrai un jour le bout du tunnel ? »
A 42 ans, soit le double de l’âge qui était le sien en 1997 lors du premier de ses 14 titres du Grand Chelem, ici-même à Augusta, la mégastar des greens a brusquement retrouvé une seconde jeunesse. Les doutes des dernières années ont laissé place à un fol espoir. Le 1er décembre 2015, il semblait pourtant prêt à jeter l’éponge pour de bon, s’interrogeant publiquement sur son site officiel : « est-ce que je verrai un jour le bout du tunnel ? Je ne sais pas. »


En juillet dernier, quelques semaines après une quatrième opération du dos en moins de trois ans, il parlait toujours de sa carrière au conditionnel. « Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve », avouait-il. 2017, l’annus horribilis de Tiger Woods. Année blanche sportivement, marquée par sa sortie symbolique du Top 1000 au classement mondial, ce qui ne lui était jamais arrivé depuis qu’il avait inscrit ses tous premiers points.

Aux souffrances physiques et à l’incertitude sportive s’étaient ajoutés des problèmes personnels qui avaient culminé le 29 mai lorsqu’il avait été retrouvé en Floride endormi au volant de sa voiture, moteur et phares allumés, le 29 mai, sur le bas-côté de la route. Le rapport toxicologique publié par la police a démontré que l’Américain était alors sous l’influence de cinq médicaments et du THC, un composant chimique de la marijuana. Il avait dû plaider coupable pour éviter la prison.
Le révélateur floridien
Tout cela est derrière lui. En six mois, Woods s’est remis d’aplomb de façon spectaculaire. La clé de tout aura été le succès de sa dernière opération du dos. Fin novembre 2017, il disait à nouveau « aimer la vie. » « A mesure que mon dos allait mieux, je réussissais à dormir de nouveau parce que je ne ressentais pas de douleurs nerveuses dans ma jambe, je n’avais plus de convulsions partout dans le corps. Donc, oui, j’aime à nouveau la vie maintenant », avait-t-il confié. La nouvelle avait ravi ses fans mais même ceux-ci n’osaient imaginer un rapide retour au premier plan.

Ce qu’ils ignoraient, ce que nous ignorions tous, c’est qu’au même moment, le Tigre était en passe de redevenir lui-même. Au cœur de cet automne, Justin Thomas, vainqueur de l’USPGA l’an passé, a peut-être été un des premiers à comprendre ce qui se tramait. Il s’entraîne souvent avec Woods dans leur club commun, Medalist, à Jupiter, leur camp de base floridien.

En novembre, Thomas a commencé à se dire qu’il ne tapait pas tranquillement la balle avec son ami Tiger, mais peut-être avec un possible concurrent pour la saison à venir. « Il avait une telle vitesse, il frappait si fort, a-t-il confié à Sports Illustrated. Surtout, je sentais dans sa voix qu’il avait confiance, qu’il profitait à fond et qu’il s’amusait. Alors je me suis dit ‘OK, il va peut-être le faire’. »

Mais faire quoi, au juste ? Regagner un tournoi, ce qui ne lui est plus arrivé depuis 2013 ? Remporter à nouveau un titre du Grand Chelem, alors que son dernier couronnement majeur remonte quasiment à dix ans ? Ou simplement redevenir un acteur majeur du circuit. Sur ce dernier point, le pari est en passe d’être gagné. Il lui a suffi pour cela de cinq tournois disputés en 2018, dont deux achevés dans le Top 5, au Valspar Championship (2e) et sur le Arnold Palmer Invitational (5e). Libéré de toute douleur, Woods revit. Son jeu aussi.
 » Ce qui est dingue, ce n’est pas de croire qu’il peut le faire, mais plutôt que certains continuent de douter de lui »
« C’est dingue. Je vais être honnête avec vous, c’est vraiment dingue, a-t-il dit mardi. Après ma dernière opération, je pensais pouvoir profiter normalement de la vie et ne plus avoir mal, mais je ne pensais pas retrouver ce niveau-là. Pour une raison que je n’explique pas, tout est revenu, ma vitesse, mon corps, ma synchronisation. » Quand on lui suggère qu’une victoire à Augusta marquerait le plus grand comeback de l’histoire du golf, il remet toutefois aussitôt son cas en perspective.

 » Je pense que ce qu’a accompli le gentleman qui a gagné ici, Monsieur Ben Hogan, est un des plus grands comebacks de toute l’histoire du sport. Il a été percuté par un bus, il a subi de graves blessures, il pouvait à peine marcher et après ça il a regagné plusieurs Majeurs. Je ne me comparerai pas à ça. »
Reste que le simple fait de le considérer à nouveau comme un prétendant au titre à Augusta est une grande nouvelle en soi. Tous ses adversaires potentiels ont souligné le plaisir qui est le leur de voir à nouveau Tiger Woods compétitif. « C’est la Tiger mania, s’emballe l’Australien Jason Day. On a tous envie de le voir jouer avec son niveau d’avant. » De là à envisager une cinquième veste verte dimanche ? Steve Williams, qui fut son caddie de 1999 à 2011, y croit dur comme fer. « C’est le plus grand joueur de l’histoire et le voir gagner le Masters ne me surprendrait pas », glisse-t-il.

Tiger Woods a toujours été incroyablement performant à Augusta. Même dans ses moins bonnes années. Outre ses quatre victoires, il a terminé huit autres fois dans le Top 10. En 2015, déjà dans une impasse physique, il pointait encore à la 17e place. Alors, prêt pour l’impossible ? « Ce qui est dingue, ce n’est pas de croire qu’il peut le faire, mais plutôt que certains continuent de douter de lui », assène Sean Foley, qui fit son entraîneur de 2010 à 2014.

Avant de se lancer à l’assaut du mythique parcours géorgien, deux choses apparaissent incontestables : le défi auquel s’attaque Tiger Woods est unique. Mais il l’est aussi. Alors, si quelqu’un peut accomplir cela, c’est bien lu

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