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Formule 1: Il y a 25 ans, Ayrton Senna disparaissait en course à Imola

Il y a 25 ans, Ayrton Senna disparaissait en course à Imola. Rarement le souvenir d’un pilote aura traversé le temps comme celui du triple champion du monde brésilien.
Le 1er mai 1994, à 14h17, Ayrton Senna était happé à tout jamais par la courbe de Tamburello sur le circuit d’Imola, au 7e tour du Grand Prix de Saint-Marin. Dans une impuissance mystérieuse, une chorégraphie macabre livrée au direct télévisuel. La Williams sans contrôle, dans un mur à 212 km/h, en rebond, en perdition. Stoppée enfin, le casque de son occupant déjà presque sans vie, mu une dernière fois par un réflexe neurologique témoin d’irréparables blessures cérébrales.
Dans cette époque de l’instantané, les réseaux sociaux n’existaient pas et les théories les plus obscures n’auront pas eu cours. C’est un soulagement que cela n’ait pas ajouté à la tristesse. La photo de la colonne de direction cassée net au bout du volant a fait le tour du monde. Elle a servi de point de départ à des débats d’experts sur la rupture à l’endroit d’une soudure. Le Brésilien, ex-McLaren, avait réclamé une modification pour se sentir plus à l’aise dans son nouveau cockpit. Le concepteur Adrian Newey l’a dit : il se sentira « toujours responsable » de ce malheur.
Vingt-cinq ans après, Damon Hill tient peut-être la version la plus autorisée et la plus crédible sur les circonstances du drame. Lors des préparatifs à la saison, il avait plusieurs fois perdu brièvement le contrôle de la FW14 sur des bosses. La création d’Adrian Newey talonnait énormément, elle se pilotait sur le fil du rasoir. Le Britannique reste persuadé que le Pauliste a été victime d’un décrochage sans rémission.
La mort à 34 ans de l’icône du Brésil, champion mystique, charismatique, symbole de la course à l’absolu, habité par l’irrépressible besoin de perfection, fait l’effet d’une déflagration planétaire. Et ce petit monde de la Formule 1 rempli de certitudes vacille sur ses fondations de colosse au pied d’argile. La veille, le drame de la mort de Roland Ratzenberger avait laissé sous le choc un paddock inconscient de ses faiblesses.
Epris d’absolu
Ayrton Senna vivait en écorché vif depuis toujours, pilotait sur un fil depuis le karting. Insatisfait de ce titre mondial qui l’avait fui de façon inexplicable. Injuste oserait-on. En son for intérieur, il avait la conviction d’être le meilleur. Il en tirait parfois une radicalité prétexte à des outrances.
La compétition était le but ultime. En solitaire le samedi, en frontal le dimanche. Il allait chercher cette dose d’adrénaline dans des pole positions au-delà de l’imaginable. Chez McLaren, en 1988 et 1989, il lui était indispensable de coller parfois une seconde et demie à Alain Prost quand une demie aurait suffi. La question n’était pas l’ambition démesurée, la fierté mal placée, il s’agit juste de l’estime de soi face à une médiocrité qui l’insupportait, le rendait difficile au travail. Dans le stand, il regardait, surveillait, passait derrière ses mécaniciens avec un pied à coulisse pour vérifier une cote, checkait les pressions de pneus. Une vie de doutes perpétuels, tout en contrôle pour le moment venu tout demander à une machine qui devait faire corps. Il avait les plus hautes exigences et l’excès n’avait rien à voir là-dedans. L’échec n’était tout simplement pas une option.
Bien sûr, Ayrton Senna n’était pas qu’un ange. Il savait être un démon pour sa bonne cause. Un casque jaune intimidant dans les rétroviseurs de retardataires plus prompts à s’effacer que devant n’importe quel autre concurrent. Des attaques ciselées en forme d’ultimatum parce qu’il ne supportait pas le rôle de spectateur ; comme à Suzuka en 1989. Pourtant, au bout de ces deux ans de collaboration devenue cohabitation sulfureuse, Alain Prost aurait dû le connaître. Il avait oublié que le Sud-Américain repoussait sans cesses ses limites, qu’il n’était jamais en paix avec lui-même. Qu’après une victoire il était capable de provoquer une réunion de crise pour lister tout ce qui menaçait de le déchoir. Exigent avec lui-même comme avec autri.
C’est vrai, il n’était jamais aussi à l’aise qu’en tête de peloton – il a tiré 29 de ses 41 succès de la pole position – et Mexico 1990 a montré qu’il n’avait pas l’esprit tactique d’un Alain Prost, son référentiel et ennemi préféré. Mais Monaco 1984 ou Donington 1993 l’auront propulsé au Panthéon du sport en mystifiant ses rivaux de l’arrière garde, sous la pluie.
Durant sa carrière, Ayrton Senna n’a jamais tutoyé le record de victoires, il s’est fait déposséder de celui des pole positions en 2006 sans que son image n’en souffre. Elle était depuis longtemps entrée dans l’intemporalité, incomparable, presque immaculée par cette légende appartenant aux destins brisés dans laquelle le roman aime s’inviter. Il aura comme Jim Clark été stoppé fatalement avant la conquête d’un nouveau titre mais chacun connaît sa place au-delà des chiffres, des records. Il est là-haut, tout là-haut.
Avec eurosport.fr

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