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Zacharie Noah : « si Dieu m’avait fait fonctionnaire, je serais malheureux aujourd’hui »

Revenons quelques années en arrière ; votre départ pour la France alors que vous n’étiez qu’un gamin…

Je suis parti en France je n’avais que 11 ans et je ne vous cache pas que c’était très difficile pour le gosse que j’étais, de ne plus revoir ses parents… Yannick lui, est parti aussi à cet âge là, mais sa maman et moi avions des moyens pour le faire venir pendant les vacances ici.

Et cela a eu quelle conséquence directe selon vous ?


La conséquence est que je me suis marié très vite, du fait qu’il me fallait à tout prix quelqu’un pour combler ce vide qui me gagnait à mesure que le temps évoluait ; quelqu’un sur qui compter, et en même temps qui serait un peu comme ma maman (rire).

Alors les débuts dans le foot ?

C’est vrai qu’étant encore au pays je jouais un peu. Mais c’est pendant les recréations, au collège Sainte-barbe de Paris que le virus opérait vraiment. Après ça j’ai intégré les minimes du stade Saint-germanois qui aujourd’hui est le Paris Saint-germain. A mes 16 ans, toujours avec le Stade Saint-germanois, je dispute mon tout premier championnat de France, et nombre de prospecteurs suivaient mon évolution. Quand j’ai eu mon Baccalauréat, Sedan m’as proposé de signer et de continuer mes études. Mais vous savez, c’était devenu difficile de concilier le foot et les études ; s’entrainer tous les matins jusqu’à 7h30 puis aller à l’école à 8h, sous une température -10 à -15 degré… C’était compliqué, même s’il y avait la volonté, j’ai fait ça pendant un an et j’ai abandonné (rire)… En même temps je voulais être autonome et ne plus attendre les mandats de papa alors que le sport me rapportait assez.

C’est donc avec le Club  Sedan que vous remportez la Coupe de France…

Effectivement, j’avais 17 ans,  j’étais titulaire de l’équipe à l’époque et c’était ma deuxième année au club…

Mais l’aventure prend une pause car vous êtes blessé par la suite, c’est bien ça ?

Justement, c’était malheureux ; je m’étais donné à fond et j’ai écopé d’une double facture à la jambe droite, fracture du bassin… Finalement on décide que je reste en France pour ma guérison et que je reprenne le championnat par la suite. Mais moi j’ai anticipé, pendant ma guérison j’ai dit je fous le camp chez moi. Mais c’était difficile parce que je n’avais pas un sous.

C’était quoi la suite ?

La suite ? J’arrive au pays, je dispute juste deux rencontres et après celle contre le Nigéria je me casse une fois encore la jambe ; alors là je décide de tout arrêter. Pour moi le foot était terminé. On avait juste une petite maison pas loin d’ici (il nous montre un chemin plus à l’Ouest de son domicile actuel) et tous les dimanches on allait accompagner Yannick jouer au tennis sur le terrain du Lycée Leclerc, car on avait remarqué qu’il ramassait toujours un petit bâton pour faire un service à l’aide d’un petit caillou… C’est comme ça qu’il a développé sa passion du tennis. Alors un jour, Arthur Robert Ashe Jr qui venait de gagner le Wimbledon était de passage au Cameroun pour une tournée de propagande du tennis professionnel, rencontre sur le même terrain Yannick. Et Yannick, qui était gonflé à l’époque (rire), me dit : « Papa tu vas voir, je vais le battre ». Et moi je lui dis, écoutes, c’est le champion de Wimbledon, qu’est-ce que tu racontes mon fils ? Mais Yannick l’a vraiment battu à la grande surprise de tout le monde. Alors quand il est retourné au Etats-Unis, il a été tellement frappé par le jeu de Yannick, qu’il ne pouvait s’empêcher de dire du bien de lui. C’est comme ça que pendant nos vacances en France, alors que Yannick jouait un championnat de jeunes, la fédération française nous contacte. Il gagne tour à tour champion de France minime, puis champion de France cadet, il ne passera même pas junior qu’il remportait déjà les tournois internationaux.

Et aujourd’hui vous êtes la seule famille aux trois champions…

Ça n’existe nulle part nous sommes les seuls d’ailleurs ; parce qu’un jour de passage aux Etats-Unis, quand Joakim est passé en NBA, j’ai été interviewé par au moins 200 journalistes qui m’ont certifié qu’aucune famille au monde ne regorgeait d’autant de champions de plusieurs catégories. Les gens ont peut-être peur d’en parler ici, parce qu’ils se disent qu’on m’érigerait une statue ? Mais qu’on arrête un peu…

L’une des  particularités de la famille Noah c’est aussi cette complicité entre les différentes générations ; c’est quoi votre secret ?

Le seul secret c’est que je prends tous mes enfants comme mes amis, avec qui j’apprends beaucoup et à qui j’apprends aussi énormément. On travaille énormément, mais ça n’empêche que l’on rigole de temps en temps. Il y a aussi le respect de la hiérarchie, car quand nous sommes ensemble je suis le seul coq, malgré leur argent et leurs statuts, ils me respectent beaucoup.

On a souvent l’impression que vous avez presque tout réussi dans votre vie, surtout en voyant votre progéniture ; dites-nous, s’il y avait un regret que vous éprouviez, que serait-il ?

Moi j’ai pas ce sentiment de réussite. J’aurais voulu être architecte ou toute autre chose… Mais ma grande fierté c’est d’avoir bâti ce que j’ai aujourd’hui de mes propres mains. Tout ce que vous voyez autour de vous, les arbres, les gazons, les ruches de miel, tout cela émane du fruit de mes mains et de mes efforts. Or quand je suis arrivé, les anciens copains que j’ai retrouvé au pays qui étaient devenus des instituteurs et autres, se moquaient de moi car je n’avais pas un Radi. On s’est foutu de ma gueule ici croyez-moi, on me disait que je suis parti en France et que j’ai ramené une femme blanche sans rien dans la poche etc. J’ai donc commencé à labourer la terre, étant la risée des gens d’ici. Voilà pourquoi à chaque fois que j’ai l’occasion, je dis à mes enfants que si on se fout de leur gueule un jour, qu’ils montrent de quoi ils sont capables au lieu de répliquer. Et j’estime fermement si Dieu m’avait fait fonctionnaire, je serais malheureux aujourd’hui. Vous imaginez, moi Zacharie Noah assis derrière un bureau à signer des papiers ? Pardonnez-moi l’expression, mais Putain !

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