Le Cameroun, dans les années 50 et 60, n’a compté que quelques stades comme l’Hippodrome de Yaoundé et le stade Akwa de Douala qui ont eu à accueillir des matches internationaux, le reste du pays s’étant contenté des stades des CENAJES et municipaux sur lesquels les jeunes ont développé leur talent.
Le Stade Hippodrome, au centre de la capitale politique, s’étant écroulé lors du match Oryx de Douala contre Prison’s de Buea, l’on s’est rabattu sur le stade Militaire qui a longtemps servi de site pour les matches du championnat national.
Il a fallu que la bonne prestation du Cameroun à la CAN du Soudan 1970 pour amener le gouvernement camerounais à solliciter l’organisation de la CAN 1972. Deux ans, c’était un délai très court que le Président Ahmadou Ahidjo a exploité pour faire construire deux stades omnisports à Yaoundé (40 122 places) et de la Réunification de Douala (30 000 places). D’ailleurs, c’est pratiquement en 1971 que ces deux stades ont été inaugurés, même s’ils n’étaient pas totalement achevés, avec des matches de prestige contre le club brésilien Botafogo du célèbre joueur Jaïzhino et la sélection du Togo.
Le football camerounais qui se portait bien sous l’égide du Ministre de la Jeunesse et des Sports Tonyè Mbog, faisait le plein de ces deux stades lors de la plupart des matches des différents championnats national, provincial et même départemental. C’était pour l’histoire.
Malheureusement, après cela, plus rien, alors que le football camerounais accumule des lauriers hors de ses frontières, au plan continental (Victoires aux CAN 84, 88, 2000, 2002, une finale en 86), et au plan international (participation aux coupes du monde en 82, 90, 94, 98 2002, victoire aux JO en 2000).
Toutes ces victoires provoquent l’énigme Cameroun. Personne ne comprend comment, sans infrastructures sportives dignes de ce nom, le pays de Mbappè Lepé, Roger Milla et Samuel Eto’o, fait pour dominer l’Afrique et parler d’égal à égal avec les grandes nations de football du monde. Le Cameroun, pays de grands talents innés, lesquels sont progressivement débordés au fil des ans, par manque d’espaces de jeu pour les jeunes.
Ce qui explique le long fleuve tranquille et sans victoire du football camerounais tant au niveau des clubs qu’à celui des équipes nationales, depuis 2003, soit 14 ans de disette. Une période qui aurait pourtant pu aider, avec une bonne organisation du football jeune, à rebondir pour le haut niveau.
Il a fallu qu’en 2008, le partenariat entre le Cameroun et la Chine accouche d’un Programme national de développement des Infrastructures sportives (PNDIS). Ce programme qui devait se dérouler en trois phases, prévoyait de doter globalement les dix régions d’infrastructures sportives modernes, afin de permettre aux jeunes camerounais de développer leur talent.
Suspendu quelques temps plus tard en raison du non-respect des engagements contractuels vis-à-vis du partenaire chinois, et de beaucoup d’imbroglios financiers et détournements que nous n’allons pas développer ici, il aura fallu la signature d’un nouveau partenariat avec la Chine en janvier 2014, partenariat sous-tendu par l’organisation par le Cameroun des CAN féminine en 2016 et masculine en 2019.
Aujourd’hui, nous avons le stade Ahmadou Ahidjo restauré, les nouveaux stades de Limbe et Bafoussam, les stades annexes à côté de l’omnisports de Yaoundé, le stade militaire, les stades d’entraînement de Limbe et de Buea. Et au programme immédiat, les grands stades Paul Biya de Yaoundé à Olembe et Omnisports de Japoma à Douala, sans oublier la restauration des stades de la Réunification, son annexe, le stade de Bonamoussadi et le stade Mbappè Lepé.
QUID DES CAN 2016 ET 2019 ?
La réalisation partielle de ce programme a suffi pour l’organisation de la CAN féminine, disons-le, avec la grande tolérance d’une CAF présidée par le Camerounais Issa Hayatou, les chantiers n’étant pas totalement achevés à ce jour.
La CAN 2019 est encore un projet dont plusieurs Camerounais se demandent encore si le pays de Issa Hayatou pourra le réaliser, d’autant plus que le nouveau cahier des charges avec une compétition à 24 équipes au lieu de 16, est beaucoup plus lourd pour un pays qui avait déjà de la peine à boucler le budget de construction des stades de compétition.
A moins de deux ans, les deux mastodontes de 60 000 places à Olembe et 50 000 places à Japoma, avec plus d’une vingtaine de stades d’entraînement, ne sont pas encore sortis de terre, et l’on a déjà atteint des chiffres de 500 milliards. Il en faudra certainement encore plus pour tenir un pari que l’orgueil patriotique de certains acteurs qualifie de possible, grâce à des analyses faisant totalement fi de la situation précaire des autres secteurs catastrophés du pays (santé, éducation, élevage, agriculture, etc.). Le football, oui, mais pas à tous les prix ?
Une CAN 2019 à tout prix et à tous les prix ?
Vous avez dit orgueil patriotique ? Où était cet orgueil, lorsqu’on sait que les visites à Yaoundé et autres provinces en 1985 et en 1995 du Pape Jean Paul 2, la visite à Yaoundé du Pape Benoît XVI en 2009, la tenue du 32e Sommet de l’OUA à Yaoundé en 1996, et l’organisation des compétitions internationales de cyclisme, n’ont rien apporté, ni à l’amélioration des voiries urbaines, ni à celle des infrastructures hôtelières et sanitaires, bref, n’ont rien apporté au développement du Cameroun.
La CAN 2016 qualifiée à tort ou à raison de meilleure organisation jusqu’ici enregistrée, malgré plusieurs manquements sur les sites, n’a véritablement pas satisfait tout le cahier de charges, on se demande bien comment pour 2019, même si c’est en Juin, soit 5 mois de plus, la seule volonté et les hautes instructions du Chef de l’Etat pourront suffire à combler, non seulement le gros retard enregistré dans la construction des stades, des routes, des hôtels 4 à 5 étoiles et autres, mais aussi le budget additionnel pour accueillir convenablement 24 équipes, d’autant plus que le président de la CAF, Ahmad Ahmad l’a bien déclaré : « Je serai intransigeant sur le standard de la CAN. Soit le pays y répond, soit il ne l’organise pas ».
On se gargarise en proposant des sites doublés dans les villes de Yaoundé et Douala, comme s’il faudrait un claquement de doigts pour avoir, et des terrains d’entraînement suffisants, et des hôtels de haut niveau, et des routes appropriées, etc. D’aucun vont même jusqu’à prédire la victoire du Cameroun. Attention, à force de vouloir aller très vite, on risque fort de se retrouver dans l’eau…
Questions à un sou : Le Cameroun est-il obligé formellement d’organiser la CAN 2019 ? Qui a dit que désister voudrait dire arrêter la construction des stades ? Ne pouvons-nous pas terminer sereinement la construction de nos infrastructures sportives et postuler pour les CAN 2025 ou 2027 ?
POURQUOI DES STADES DE 50 ET 60 000 PLACES AU CAMEROUN ?
Cette question est d’autant plus d’actualité qu’ils vont absorber des budgets (un endettement de plus de 500 milliards de FCFA) difficiles à rentabiliser, lorsqu’on sait que le Cameroun a toujours eu des problèmes de maintenance des œuvres publiques, et surtout qu’avec un football au bas de l’échelle, le remplissage des gradins est très aléatoire, sans oublier les positions géographiques très excentrées de ces stades.
Nous comprenons qu’il faut frapper enfin un grand coup avec ces mastodontes dont celui de Yaoundé portera le nom du Chef de l’Etat, Paul BIYA. Il était donc de bon ton qu’il fût plus costaud que celui de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo. En plus il s’agit là d’un complexe sportif qui comprendra un hôtel 3 étoiles pour les regroupements des sélections nationales, un complexe de l’Institut de la Jeunesse et des Sports (INJS), une piscine olympique et des stades annexe de football. Néanmoins, des stades de 35 à 40 000 places, moins coûteux et plus collés au contexte économique actuel et même futur, auraient largement suffi au Cameroun pour accueillir toutes sortes de compétitions internationales. Le tort pour nous, diront certains Camerounais, de citer les exemples plus que parfaits des complexes sportifs de Bata et Malabo en Guinée Equatoriale, et de Libreville au Gabon ayant déjà accueilli, en moins de cinq ans, deux éditions des CAN (2012, 2015 et 2017).
QUELQUES CHIFFRES DE LA COUPE DES CONFEDERATIONS
La Coupe des Confédérations vient de se dérouler en Russie, le plus grand pays au monde (17,1 millions de km2 pour 146 millions d’habitants). La compétition s’est déroulée sur quatre stades dont le plus grand est celui de Saint-Pétersbourg, au Nord du pays, avec ses 60 500 places et une affluence maxi en finale (Chili-Allemagne) de 57 268 spectateurs. Signalons que la ville de Saint-Pétersbourg compte une population de 5 225 690 habitants.
Le Kazan Arena compte 45 105 places, dans une ville à l’Est de Moscou qui abrite 1 216 965 habitants. Mais sa position géographique positive lui a fait accueillir plusieurs milliers de fans du sport qui, dans un stade de 45 105 places, ont été à 34 372 lors de son premier match Portugal-Mexique et 40855 spectateurs pour son dernier match des demi-finales Portugal-Chili.
Le stade du Spartak de Moscou, l’une des infrastructures sportives de la capitale, compte 43298 pour une population de près de 15 millions d’habitants. Son premier match, Cameroun-Chili a fait une affluence de 33 492 spectateurs, et 33 639 lors de son dernier match Chili-Australie.
Le stade Ficht de Sotchi, dans une ville au bord de la Mer noire qui compte environ 500 000 habitants, est d’une capacité de 47 700 places pour une affluence de 28 605 spectateurs pour le match Australie-Allemagne.
Lorsqu’on fait les comptes, le constat est net, celui des stades qui correspondent à la population des villes, et surtout aux pôles touristiques de ces villes. En effet, le tourisme en Russie est en forte croissance depuis les années soviétiques ; d’abord grâce au tourisme intérieur, puis également grâce au tourisme international. Un héritage culturel riche et une grande variété de paysages qui font du pays, l’une des destinations les plus populaires du monde (9e pays le plus visité du monde). 28,4 millions de touristes ont visité la Russie en 2013, avec une progression de plus de 137% en 2016.
Pas de comparaison, et sans commentaire, tout simplement.
Par : Atangana Fouda/Journaliste
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