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Au Bénin, le soutien de la sélection va jusqu’aux sacrifices

Le Bénin, qui va jouer mardi pour la première fois de son histoire un quart de finale de la compétition contre le Sénégal (18h), en Egypte, reçoit des soutiens religieux très engagés.
Des bruits de tambour, des castagnettes, gongs et surtout des voix féminines louant les mérites des religions endogènes… Pour un dimanche matin, dans un quartier où plusieurs églises rivalisent d’ardeur dans les prêches, l’ambiance semble quelque peu inhabituelle. A l’entrée du couvent, un grand tableau noir renseigne sur l’activité de ces 90 derniers jours. Mais le menu de ce dimanche est particulier : prier pour l’équipe nationale du Bénin, qui s’est hissée pour la première fois de son histoire en quart de finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), disputée en Egypte.

Aux adeptes de Dah Gbediga, président des religions endogènes du Bénin, se sont joints quelques Vodounsi (adeptes), venus apporter leurs prières à cette « cérémonie spéciale au profit des Ecureuils », l’équipe nationale. Dans la cour du domicile du grand dignitaire Vodoun qui lui sert de lieu de prière, pas moins de cinq grands fétiches aux rôles divers. Mais ce dimanche, tous sont mis à contribution pour « accompagner spirituellement » les Ecureuils.
Un peu plus tôt, au petit matin, loin des regards indiscrets, Dah Gbediga, l’un de ses fils et d’autres initiés ont immolé un bouc et trois moutons « pour nourrir les esprits et les exhorter à accepter les supplications des fidèles ». Les jumeaux, Sakpata, Ogou, Heviosso et Tolègba ont ainsi reçu du sang frais.

Au bout d’une demi-heure d’animation et de danse, Dah Gbediga sort de sa chambre, torse nu et prend contact avec la terre. Il est suivi quelques minutes plus tard de Tangninnon, une sexagénaire édentée qui tient difficilement sur sa canne et dont les requêtes en raison de son parcours de grande initiée sont facilement acceptées par les dieux. C’est elle qui dira l’essentiel des prières en face d’une centaine d’adeptes.


 » Ceux qui pensent que nous ferons piètre figure se trompent »
Calebasse d’eau à la main, cauris et colas posés près des pieds, la vieille dame enchaîne des minutes d’exhortation. « C’est inédit, ce que réalisent nos joueurs dans cette compétition. Les gens pensent que nous ferons piètre figure, mais ils se trompent. Nous sommes engagés pour le meilleur », lance-t-elle sereine. A sa prière se mêlent les cris haletants d’une demi-douzaine de poules, qui elles aussi ne tarderont pas à passer sur l’autel des supplications en faveur des Ecureuils.
Dah Gbediga, le président des religions endogènes du Bénin est tout aussi confiant. Lui qui depuis 90 jours et bien avant le début de la compétition a initié une série de prières pour les Ecureuils pense que « c’est une marche vers le progrès dans le football avec l’appui des ancêtres et que plus rien ne doit nous arrêter ». Puis, prie le vieux dignitaire Vodoun caressant les grosses perles de son long collier, « nous avons obtenu ce que nous n’avions jamais eu cette année. Nous émerveillons le monde entier et nous demandons aux ancêtres de faire en sorte que cela dure le plus longtemps possible ».

Les prières pour l’équipe nationale du Bénin, qui dispute sa quatrième CAN avec une qualification historique pour les quarts de finale, ne se limitent pas à ce seul couvent. Victor Adoko, fan de l’équipe et prêtre de Heviosso, croit aux chances de qualification pour la finale. Face à son fétiche, il le supplie de faire avancer l’équipe. Ce sont les trois matchs nuls en phase de poule qui l’ont poussé à accentuer ses prières « pour accroître les chances de l’équipe ».

« Union sacrée »
Supporters et adeptes ont en revanche une lecture croisée de ces prières. Certains y croient. D’autres pas du tout. Adeline Tonouéwa, adepte de la divinité Thron, a plusieurs fois offert des colas et des libations à son fétiche. Souriante, cette supportrice du milieu de terrain Stéphane Sessègnon dit « jouer sa partition ».
Enock Agasounon, pense à des accusations infondées. « Les gens accusent le Bénin d’avancer par la magie du Vodoun, mais toutes les équipes le font », s’offusque ce fonctionnaire de l’administration privée. « Rien n’est gratuit. Même ce qui est demandé et obtenu par une simple prière à l’église n’est pas gratuit. Les Ecureuils ont des talents et de la performance. C’est d’abord leurs forces. Les prières ne viennent qu’après ».

L’acteur culturel et adepte Paulin Kintonou est formel. « On est parti à la CAN avec une force terrible. Cette fois-ci, il y a une union sacrée derrière l’équipe. J’ai la ferme conviction que ce sont ces prières qui nous poussent si loin. Nos dignitaires sont engagés à leurs côtés », répond-t-il.

AFP

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