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Benjamin Lekoua : « 2015 a été très difficile, mais 2016 s’annonce bien »

Le PDG de L&F Computer nous a reçu au Platinium Café (bar-restaurant dont il est le patron) pour se prêter à un entretien dans lequel il dressait le bilan de l’année 2015 non sans brosser les perspectives de la nouvelle. Entre autres anecdotes, il reviendra sur le succès controversé du rappeur Franko (qu’il reconnait regretter de n’avoir signé en 2015), le rôle des médias dans la politique de solidarité autour des artistes camerounais susceptibles de faire vibrer le continent, le silence des autorités relativement à la reconnaissance de la « Joueuse Africaine de l’Année » Gaelle Enganamout, etc. A lire absolument.

Bonjour Monsieur Lekoua Benjamin et Bonne Année

Bonne Année culturebene et merci d’avoir pensé à moi.


PDG d’une grande entreprise de la place, promoteur culturel, producteur, et surtout très impliqué dans le domaine sportif car Président de club et agent de joueurs…

Disons que lorsqu’on est passionné et ayant le souci d’apporter notre touche pour le développement de notre Nation à travers l’encadrement et l’accompagnement de sa jeunesse, on ne se rend pas vite compte des multiples casquettes qu’on enfile au quotidien.

Nous allons écumer les moments forts des domaines dans lesquels vous opérez, mais avant, quel bilan faites-vous de cette année écoulée, relativement aux activités de vos établissements respectifs ?

Je vais être très honnête avec vous, l’année 2015 a été très difficile -économiquement parlant- pour nous surtout quand on sait ce que traverse le pays notamment la guerre dans sa partie Nord. Ce conteste n’est pas favorable à l’épanouissement véritable du climat des affaires vu la menace terroriste, les attentats et autres… Pour employer un terme très connu chez nous, 2015 a été une année essentiellement de « racolages », c’est-à-dire qu’on était tout le temps contraint d’inventer de nouveaux procédés pour ne serait-ce que rentabiliser et se maintenir. Pour vous dire que nous n’avons pas eu ce que nous espérions en termes de bénéfices.

Et quid de la réouverture toute récente du Night-Club Platinium ? D’aucuns ont vite fait de croire que les entrées ont été plutôt bonnes…

En toute franchise, le Club je l’ai cédé à des amis, parce que j’ai estimé très humblement n’avoir pas l’expertise qu’il faut pour la gestion d’un tel établissement. Toutefois c’était une bonne nouvelle pour nous que de récupérer notre investissement en cédant l’espace.

Parlons à présent musique, et notamment, production ; on le soulignait tantôt, vous êtes producteur et propriétaire d’un studio d’enregistrement. Plusieurs artistes ont pu être signés chez vous, et en 2015, la liste s’est prolongée…

Effectivement, nous avons pu signer Céline de Petit Pays, en même temps nous gardons un goût amer d’une affaire qui nous a échappée ; nous sommes passés à côté de la signature de l’album de Franko et très honnêtement nous le regrettons. Bref, on va dire que les affaires c’est aussi ça, on ne fait pas toujours de bons choix tout le temps.

Un FRANKO qui aura également été combattu au gré d’un arrêté et de critiques de la part de certains médias… Comment est-ce que vous viviez ces différents moments qui ont précédé son grand succès international ?

Je pense qu’avec un peu de recul, on devrait tirer un grand coup de chapeau à FRANKO, parce que sans moyen il a réussi à produire un album planétaire comme l’ont fait avant lui les Magic System, Michael Jackson avec « Thriller », etc. Ce que beaucoup ignorent c’est que si nous regardons les Rihanna et Beyonse chez nous c’est grâce à de gros coûts de marketing, mais Franko n’a pas eu tout ça, et a quand-même placé la musique camerounaise à un niveau sur le plan mondial. Très peu d’artistes camerounais à l’exception de Manu Dibango, Richard Bona ou encore Yannick Noah, sont passés sur de gros plateaux européens mais là il y a ce jeune qui grâce à un tube se voit solliciter et attire l’attention des présentateurs comme CAUET or même Koffi Olomidé n’est pas aussi sollicité. Nous devons comprendre que l’industrie musicale en Europe est fermée, car nous avons certes des artistes musiciens très populaires, mais cette industrie ne leur ai pas ouverte parce qu’elle rapporte énormément d’argent alors les européens sont protectionnistes.

Quid de la contestation de l’œuvre ?

Franko malgré la réussite de son œuvre a été contesté juste parce que chez nous les gens sont restés un peu aristocratiques et conservateurs à la limite, mais malheureusement pour eux ils n’ont pas compris que nous sommes dans un village planétaire, vu l’avancée technologique et la prolifération des réseaux sociaux. Aujourd’hui un enfant peut vivre à Yaoundé et savoir ce qui se passe à Washington en temps réel. Donc nous ne saurons imaginer que les musiques de Rihanna qui sont d’une obscénité notoire soient jouées et dansées ici sans que personne ne s’en inquiète, mais que celle de Franko soit interdite. Nous oublions alors que les camerounais ont eu, grâce au Président de la République Paul Biya, droit à la liberté de penser, la liberté d’expression etc. Ce qui revient à dire que censurer un artiste c’est porter atteinte à la liberté d’expression. Il me souvient qu’en 2015 Dieudonné Mballa Mballa a failli aller en prison sur l’apologie de l’affaire « Je suis charlie ». Personne ne saurait s’attaquer à la liberté d’expression, même si au Cameroun liberté d’expression est devenue « liberté d’insulter ». Franko, pour moi, est venu remettre les pendules à l’heure en prouvant au monde que le Cameroun regorge de talents, que sa jeunesse à soif et qu’il faut juste les moyens, et les infrastructures. Dans un entretien avec des journalistes très poussés par la critique et qui condamnaient le jeune Franko, moi je leur ai tout simplement dit : Vous ne pouvez pas censurer un artiste ou sa musique alors qu’il n’a pas été à une école de musique officielle –déjà que nous n’en avons pas, même le plus petit conservatoire de musique n’existe chez nous- qui enseigne les règles de l’art musical. Ici les artistes écrivent et chantent au feeling, c’est-à-dire qu’ils sont autodidactes, ils sentent les choses et ils foncent. Alors parfois ils échouent, et parfois ils réussissent à l’instar de Stanley Enow hier, et aujourd’hui Franko ou Maahlox. Je leur tire un grand coup de chapeau car tous viennent des quartiers pas très aisés et se hissent comme des EMINEM africains. Si on pouvait ne serait-ce que mettre un peu de moyen pour les soutenir, le pays gagnerait plus. La sanction de Franko était certes administrative, mais elle contredisait les mêmes règles régies par l’administration à savoir la liberté de penser, la liberté d’expression, et la liberté d’entreprendre. Le parlement camerounais s’est saisi de l’affaire et a vite fait de tirer l’alarme, comme quoi c’est bien d’avoir des élus du peuple qui peuvent avoir une vision différente des administrateurs qui parfois s’imposent comme des dictateurs en prenant des mesures sans consultation et sans réserve. Celui qui a censuré Franko était dans une logique plus personnelle, et l’Etat s’est très vite désolidarisé de sa décision. Ç’aurait été ailleurs, vu l’image du Cameroun que Franko a mieux vendu à l’international en devenant un ambassadeur du pays mais censuré par un administratif, et bien que cet administratif aurait sans doute démissionné ; simplement parce que l’un et l’autre représentent le Cameroun, alors de quel droit l’un ira empêcher l’autre de s’exprimer ? Si d’autres suivaient la logique de cette censure, et bien aujourd’hui on se retrouverait en train de tuer un pan fort de notre culture. Peut-être cette censure a aussi porté bonheur à l’artiste en créant la curiosité d’un bon nombre, en même temps il y a des gens qui on donné du leur pour qu’effectivement l’artiste connaisse une expansion et là je préfère prendre mon cas. Au lendemain de la sortie de cette fameuse chanson du studio, j’étais à Douala pour assister l’une de mes artistes au studio Squad Room et c’est là-bas qu’on me fait écouter « Coller la petite », et très honnêtement j’ai prédit que ça marcherait mais que ça ne mettrait pas long feu, sauf que tout le monde autour de moi m’a convaincu que c’est du lourd alors je suis revenu à Yaoundé avec et je l’ai passé au patron de Afrik2 Radio qui est un ami et correspondant Rfi, Polycarpe Essomba. Dès qu’il a reçu le titre il l’a fait jouer en boucle chez lui car il l’a senti. Et lorsque la chanson a été censurée, il a fait une chronique dessus pour le compte de Rfi et avait condamné cette censure. Donc pour vous dire que beaucoup ont indirectement contribué au grand succès de Franko. Il y a un système de solidarité que nous devrions mettre en place par élan patriotique afin de mieux contrecarrer la concurrence extérieure, il ne s’agit pas de l’image de Lekoua ou de Dariche Nehdi non, mais celui du Cameroun. Aujourd’hui Franko n’arrive plus à tenir le micro à Abidjan par exemple lors d’un spectacle, tout simplement parce que le public chante pour lui ; or rappelez-vous qu’hier c’était des camerounais qui faisaient pareil pour Arafat… Mais j’invite nos artistes à beaucoup travailler au lieu d’être xénophobes ; parce qu’ils sont nombreux qui estiment qu’il faille bloquer les musiques étrangères or c’est pas là le problème. Franko, Maahlox et Stanley n’ont pas fait de magie, ils ont travaillé et même longtemps. Alors ne soyons pas jaloux, car le Makossa pendant longtemps a fait trembler le continent, souvenez-vous que nos grands artistes d’antan comme Eboa Lotin n’avaient pas trente ans mais étaient reçus par des chefs d’états comme Bokassa, Mobutu, Eyadema (père) etc.

Et la part de l’Etat dans tout ça ?

Disons qu’il est temps que l’Etat s’implique ; là j’interpelle le MINAC qui devrait accompagner ceux qui se démarquent en invitant des entreprises d’accompagner ces derniers, ça fera plus sérieux. Voici un artiste comme Franko qui a été reçu en grande pompe en France, moi en le voyant j’ai bien l’impression qu’il est en difficulté financière parce que la façon dont il était vêtu… bref je vais pas dire qu’il était mal vêtu, mais il y va de l’image du Cameroun, et il se doit d’être très bien sapé à l’image de ces stars étrangères qu’on reçoit tout le temps chez nous. Faire 10 000 000 de vues sur youtube reviens à dire qu’on regarde la culture camerounaise ailleurs, qu’on le veuille ou pas, car la musique est une forme de colonisation aujourd’hui, et vous vous rendrez compte que beaucoup se mettent à l’apprentissage de l’argot camerounais et notre culture s’impose aux autres.

Permettez que l’on parle à présent « sport » ; votre club « Mfomakap » a frôlé la D2 Régionale, le Cameroun a été auréolé grâce aux prouesses de Gaëlle Enganamout, quoique vous soyez resté sur votre faim – en parcourant vos posts sur les réseaux sociaux vous dénonciez le manque de reconnaissance de l’Etat-, quand la footballeuse a foulé le sol camerounais…

Mfomakap Fc a failli monter en D2 Régionale et ce n’est pas un si mauvais résultat… Mais je vais très vite revenir sur le sujet Gaëlle Enganamout, je dirais tout simplement que NOUS ne sommes pas improvisateurs de grands évènements, j’irai même plus loin en disant que nous ne savons même pas les exploiter. Aujourd’hui on a été surpris par cette consécration de « Joueuse de l’année » par la CAF – qui arrive quand-même après son soulier d’or au championnat suédois, sa place de huitième de finaliste avec les Lionnes à la récente Coupe du monde et même sa place de vice-championne à la récente CAN-, et on n’a pas su réagir comme il le fallait. Le Gabon lui, a bien réagi et a su mettre Aubameyang « en haut » comme on dit chez nous. Vu le conteste de morosité dans lequel la population est, elle a besoin de situation de joie et de célébration pour comprendre que nous maintenons le cap de l’objectivité et nous sommes invincibles. Se dire : ça c’est le moment de saluer le talent et le travail d’une jeune camerounaise reconnue internationalement. Dans tous les cas, il ne se fait pas tard, vivement que Gaëlle ait cette reconnaissance à l’échelle nationale, encore que bientôt nous accueillons la toute première édition de la CAN féminine, ce qui constituera une arme contre nos adversaires. Aujourd’hui Samuel Eto’o a été désigné pour remettre des trophées à la cérémonie du Ballon D’Or FIFA, ça c’est une reconnaissance car c’est une icône mondiale du football ; et je pense qu’on devrait s’accrocher sur ces valeurs pour un background en termes de talents et de références, de notre pays.

Merci pour ce tour d’horizon en termes de bilan culturel et sportif ; alors, l’année 2016 s’annonce-t-telle prometteuse pour vos activités notamment au Platinium Café situé au cœur du quartier Bastos ?

Je dirai que le Platinium Café a su s’imposer dans la capitale ; nous avons pas mal de projets puisque bientôt nous améliorerons le cadre, ainsi que la qualité du service et souhaitons aller toujours plus loin. Sur internet aujourd’hui nous sommes classés Premier Restaurant par les étrangers qui sont plusieurs fois venus et ne cessent de faire bon écho de l’établissement. Nous ferons tout pour nous maintenir à cette place et là nous sommes sur le point de diversifier notre cuisine en y ajoutant celle Européenne et celle de l’Orient car jusqu’ici elle était essentiellement africaine. Depuis un moment, nous avons soumis à des tests un cuisinier européen et un pour ce qui est des spécialités de l’Orient et ça se passe plutôt bien. Au niveau de l’organisation, nous passerons également à un jazz bar et les musiques seront très colorées et variées ; bien sûr, la musique camerounaise aura une place de choix car il faut bien vendre notre culture.

Des vœux à adresser à quelques personnes, certainement…

Bien évidemment, et je commencerai par le Chef de l’Etat S. E. Paul Biya à qui je souhaite une très bonne année ; que son projet de grandes réalisations se poursuive et que nous autres opérateurs économiques puissions jouir des retombées, non sans l’y accompagner bien sûr. Bonne année à toute la population camerounaise, à mon personnel, à tous nos clients du X-Net Phone qui aujourd’hui est réclamé à l’international et a été reconnu « Téléphone du cinquantenaire » par le Chef de l’Etat –à qui je dis encore MERCI- notamment le model JAM que nous avons d’ailleurs dédié à René Afane qui est l’auteur de l’hymne national du Cameroun.

 

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